Au premier plan de l’échelle de Muybridge se trouvent des chronophotographies de Eadweard Muybridge qui est lui-même l’objet de ses photos. Les différentes poses sont découpées des planches photographiques et posées sur cet ensemble à des échelles différentes. Elles se trouvent sur un panoramique de la ville de Muybridge, San Francisco, également réalisé par le chronophotographe. Ce tour d’horizon est à son tour posé sur une carte stellaire, vue de la terre, qui a comme centre la voie lactée, qui elle remplace la ligne d’horizon de San Francisco. Muybridge dans sa ville, une échelle en années-lumière cette fois-ci. Cette mesure en années-lumière est l’échelle des voyages interstellaires, ces voyages qui mettraient plus d’une vie humaine à être effectués. Il y a ici un rapprochement entre le dédoublement
du point de vue de Muybridge, photographe et sujet à la fois, et la relation de l’humain à l’espace intersidéral. Même si les étoiles existent physiquement, qu’elles sont une réalité par la pensée.
C’est là le lieu du rapprochement avec le travail de Giulio Paolini. Il y a dans une des pièces reproduites, Phoenix, des laquais qui portent une carte du ciel étoilé qui
contient des laquais qui portent un carré de ciel vide, le tout intégré dans un dessin de la perspective. Ce dessin de la perspective est une construction monoculaire, qui assigne au spectateur une place au centre du tableau. Le sujet est à l’extérieur et voit qu’il est lui-même sujet. Pour Paolini le laquais est un placebo de l’artiste. Ce laquais joue le rôle de l’artiste qui porte une forme, ici un ciel stellaire, dans lequel il y a un laquais qui joue le rôle de l’artiste qui porte une forme. Il y a donc un monde qui contient un monde qui contient un monde, ce qui provoque une permanence temporelle, centrale pour Paolini. Selon lui, la forme n’est pas le résultat du travail de l’artiste mais plutôt une permanence qui réémerge. On regarde comment Paolini construit des oeuvres qui sont des manières d’interroger cette permanence. C’est de nouveau un dispositif qui crée des échelles de pensée, qui crée une cohabitation entre un moment précis de l’oeuvre et cette même permanence.
Alors que la perspective est sensée mettre en ordre l’existant, on pense à la perspective cavalière qui donne une vue d’ensemble, elle assume aussi le rôle d’un démultiplicateur mental et spatial dans, entre autres, l’échelle de Muybridge. La démultiplication observation, se superpose à la démultiplication spatiale, celle d’une ville avec comme horizon la voie lactée. L’espace, au lieu d’être la représentation de ce qu’il y a devant nous, devient l’ouverture vers des possibles.